Sur les neufs premiers mois de l’année 2013, la Chine est devenue le premier fournisseur de l’Algérie devant la France avec 4,95 milliards de dollars d’exportations contre 4,7 milliards pour l’Hexagone.
La Chine devance pour la première fois la France sur la liste des fournisseurs de l’Algérie. Durant les neuf premiers mois de 2013, l’Empire du Milieu a réalisé 4,95 milliards de dollars d’exportations vers l’Algérie, soit 11,98% des importations globales du pays, contre 4,7 milliards de dollars (11,37%) pour la France, selon les autorités douanières algériennes. Au total, les exportations algériennes sur la même période ont atteint 49,5 milliards de dollars contre 41,33 milliards de dollars d’importations.
Dynamisme chinois
La France a été le premier fournisseur de l’Algérie durant de nombreuses années, tandis que jusqu’au début de la dernière décennie, les exportations chinoises en Algérie restaient très faibles.
Aussi, le recul de la France sur le marché algérien, amorcé en 2011, s’explique par le manque de dynamisme des entreprises françaises qui peinent à s’adapter à la concurrence des Chinois, plus dynamiques.
Sur l’ensemble de l’année 2012, les deux pays étaient déjà au coude à coude : la France en tête avec plus de 6 milliards de dollars d’exportations en Algérie, talonnée de très près par la Chine (5,88 milliards de dollars).
Envoyé spécial
En effet, la France est le seul pays a avoir nommé un envoyé spécial (Jean-Pierre Raffarin) pour accompagner ses entreprises en Algérie. « Les Chinois, les Espagnols, les Italiens et les Turcs s’adaptent à nos lois et à notre environnement, exceptés les Français », déplore un haut responsable algérien. Dans le bâtiment où l’Algérie a décidé d’investir 60 milliards de dollars entre 2010 et 2014, les groupes français paraissent en retrait et boudent les appels d’offres algériens malgré les invitations officielles lancées par le gouvernement.
En revanche, l’Union européenne (UE) reste le principal partenaire commercial de l’Algérie. Sur les trois premiers trimestres de 2013, les échanges commerciaux entre les pays de l’UE et l’Algérie ont atteint 54 milliards de dollars, soit près de 60% du commerce extérieur du pays.
Alger la chinoise
Des milliers d’ouvriers sont arrivés à Alger avec le lancement de vastes chantiers dans le BTP. Une partie d’entre eux s’est reconvertie dans le commerce, en bonne intelligence avec la population locale.
Dans le quartier Boushaki, lotissement aux ruelles poussiéreuses de la banlieue est d’Alger, l’« amitié entre les peuples » algérien et chinois est scellée par le commerce. Literie, linge de maison, vêtements, chaussures… Les produits made in China sont vendus en gros dans des boutiques tenues par des commerçants des deux nationalités. « Les affaires marchent plutôt bien. Les Chinois ont le sens du business », explique Ali en chargeant des cartons de sandales en plastique dans une fourgonnette. Le jeune vendeur a su tirer profit de la présence de la petite communauté asiatique. En plus d’être associé à un Chinois, Ali lui loue un appartement et deux locaux.
Aujourd’hui, le bilan de la présence chinoise en Algérie est des plus impressionnants. Les investissements venus de Pékin y dépassent tout juste le milliard de dollars (environ 820 millions d’euros) et sont concentrés essentiellement sur les secteurs du pétrole, des mines et de la pétrochimie. Quant aux échanges commerciaux, ils ne cessent d’augmenter : 6,4 milliards de dollars en 2011 et 3,3 milliards pour les cinq premiers mois de l’année 2012, soit une augmentation de 37,4 % par rapport à la même période en 2011. De janvier à mai, la Chine a importé d’Algérie pour 1 milliard de dollars (+ 30,9 %) et exporté pour 1,2 milliard (+ 39,7 %).
Bâtiments publics et commerçants
Travaux publics, bâtiment, tourisme, hydrocarbures, pétrochimie, hydraulique, téléphonie… les Chinois sont absolument partout. L’histoire de cette diaspora de travail et d’affaires remonte au début des années 2000, avec le lancement de vastes chantiers dans le BTP et l’hydraulique. Les entreprises chinoises réussissent à rafler de nombreux marchés en appliquant des coûts ultraconcurrentiels. Le manque de main-d’oeuvre locale les oblige à faire venir des milliers d’ouvriers de l’empire du Milieu. Ce sont eux qui réalisent les premiers grands projets, notamment l’hôtel Sheraton, les cités AADL (pour Agence nationale de l’amélioration et du développement du logement) ou encore le nouveau terminal de l’aéroport d’Alger.
Le quartier Boushaki a vu l’apparition d’un mini-chinatown
Le ministère de la Justice leur a confié la construction d’une douzaine de prisons, le ministère des Affaires étrangères son nouveau siège au style néomauresque, et le ministère des Affaires religieuses la nouvelle grande mosquée d’Alger, avec son minaret qui culminera à 270 m. Pour arrondir les fins de mois, certains travailleurs chinois n’hésitent pas à travailler comme maçons ou carreleurs pour le compte de particuliers. D’Oran à Annaba, en passant par Alger et Blida, de nombreuses villas ont été construites de manière informelle par une main-d’oeuvre rapide et bon marché.
C’est aussi au cours des années 2000 que les premiers commerçants chinois ont fait leur apparition dans les rues des grandes villes. Ils appartenaient aux premières vagues d’ouvriers recrutés par les entreprises de construction et ont choisi de rester une fois leurs contrats arrivés à terme. Ces Chinois figurent d’ailleurs parmi les fondateurs du mini-Chinatown du quartier Boushaki. Selon l’ambassade de Chine, la communauté est estimée à 35 000 personnes.
Marchés publics et corruption
Le 17 août, la cour d’appel d’Alger doit statuer sur l’affaire des commissions versées par les équipementiers télécoms ZTE et Huawei dans le cadre d’un marché lancé en 2003 par Algérie Télécom. En première instance, trois manageurs chinois ont été condamnés par défaut à dix années de prison ferme pour corruption. Actuellement en fuite, ils sont sous le coup de mandats d’arrêt internationaux. Si la cour confirme l’interdiction de soumissionner à un marché public pour une période de deux ans, elle exclura de fait ZTE et Huawei du programme 3G que doit lancer Algérie Télécom.
Autre scandale, l’affaire de l’autoroute est-ouest. Les responsables du consortium chinois Citic-CRCC, chargé de réaliser deux des trois lots de ce projet, sont inculpés pour corruption et trafic d’influence. Les faits portent sur le versement de pots-de-vin au cours du processus de soumission puis lors des opérations de recouvrement de créances. La justice n’a toujours pas tranché définitivement dans cette affaire. T.H.
« On s’adapte »
Michel – il a adopté un prénom français – est le représentant en Algérie de Faw, un important constructeur automobile présent aussi au Kenya, en Tanzanie, au Cameroun et en Afrique du Sud. « Comme partout dans le monde, on imagine toutes sortes de choses à notre propos, dit-il. Mais, en réalité, il n’y a aucun réseau ou système occulte. L’Algérie est un pays très intéressant, on s’y adapte facilement, malgré quelques problèmes de communication. Les Chinois y viennent uniquement pour travailler. Certains ont réussi à se marier avec des Algériennes, mais, sincèrement, je ne pense pas qu’ils aient l’intention de s’installer définitivement. »
Après trois années passées à Alger, Michel a terminé sa mission au début du mois de juillet. Son rôle ne consistait pas seulement à introduire la marque Faw sur le marché local. Il devait aussi établir les bases nécessaires à l’installation de l’ensemble des constructeurs chinois. « Pour la Chine, le marché automobile algérien est très important », assure-t-il. Les chiffres lui donnent raison. Les importations de véhicules ont bondi de près de 49,1 % durant les six premiers mois de 2012, à 263 787 unités.
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